De la tarte au citron
J'ai
une passion pour la tarte au citron. Elle a un petit côté ambigu qui me
plaît : elle parait douce mais son acidité la révèle dans toute sa
splendeur crémeuse et sablée... Par conséquent, à chaque fois que j'en
ai l'occasion, dans chaque restaurant et même dans chaque pâtisserie où
elle a l'air appétissante, je finis toujours par en commander une part.
Mais je dois vous faire un aveu (et ce n'est que le premier) : je
suis anti-meringue. Je n'aime rien mieux que la crème au citron
fondante d'acidité, et la meringue molle et doucâtre m'ennuie. Quand
j'ose (comprendre : quand je ne suis pas en présence d'un être à
impressionner ou qui ne me connaît pas encore), je racle donc la
meringue d'un coup de cuillère aussi précis que dédaigneux, pour me
consacrer à ce qui me fascine : la crème de citron dorée, sur son lit
de pâte sablée.
Mais j'ai aussi mes préférences en matière de pâte
sablée : elle ne doit pas être trop épaisse, et surtout, ne pas avoir
un goût de beurre trop prononcé. Si je voulais du beurre, je mangerais
un paquet de sablés bretons ! Dans la tarte au citron, j'aime la pâte
sablée discrète, à peine présente, tout juste assez pour mettre en
valeur la somptueuse crème citronnée.
Vous l'aurez compris, je
suis amoureuse de cette garniture au citron, qu'il me faut toujours
plus acide et crémeuse, sans être jamais écoeurante.
Mais je vais
vous faire un dernier aveu : jusqu'à hier, je n'avais jamais
confectionné de tarte au citron. J'avais testé toutes celles qui
s'étaient trouvées à ma portée dans ce vaste monde, jusqu'au Japon (un
jour je vous parlerai du cheese-cake à la japonaise, pour lequel
j'éprouve une passion presque égale à celle que je voue à la tarte au
citron), mais jamais je n'avais mis la main à la pâte. Pourquoi ? Eh
bien parce que j'avais peur. La tarte au citron ne pouvant souffrir
l'imperfection, il fallait que ma première tentative soit parfaite.
Et elle le fut.
Je
me suis longtemps documentée sur le sujet, comparant toutes les
recettes des livres de cuisine de la maison. Aucune n'était semblable.
Je suis restée fascinée pendant de longues minutes devant celle des Gâteaux de Mamie,
qui contient pas moins de 400 grammes de sucre, 8 oeufs et une plaque
de beurre, sans compter la pâte sablée. Une autre recette incluait du
tofu (forcément !), mais je doutais d'atteindre ainsi la texture
recherchée pour ma première tarte au citron, celle qui devrait être
parfaite...
J'ai donc fini par faire ce que j'avais finalement prévu depuis le début : un séjour sur mon Marmiton favori. La recette de 'The' Tarte au Citron Meringuée
me faisait il est vrai de l'oeil depuis quelques temps déjà... Elle me
paraissait parfaite : beaucoup de citron, pas trop d'oeufs ni de
beurre, des quantités de sucre parfaites en les réduisant très
légèrement... Seul bémol : effectivement, elle était meringuée. Mais
peut-on se passer de meringue ? Telle était la question... Je n'allais
pas tarder à connaître la réponse : la meringue est un cache-misère.
Mais c'est une misère délicieuse.
Je me lançai donc un beau
matin dans 'The' tarte au citron. J'avais 6 invités pour le soir-même,
dont un autre amateur fervent de tarte au citron. La réalisation de la
pâte sablée, avec un peu moins de beurre qu'indiqué, ne posa aucun
problème. La cuisson, par contre, fut plus longue que prévu : je dus
enlever les pois chiches au bout de 25 minutes pour que la pâte finisse
de cuire en dessus (30 minutes en tout). Je mis tout mon amour et
quatre citrons juteux dans la réalisation de la crème, et c'est en en
couvrant ma pâte sablée que je réalisai tout l'intérêt de la meringue :
mon moule était certainement un peu trop grand, ou bien la quantité de
crème au citron un peu trop faible... Dans tous les cas, ma tarte au
citron avait l'air d'un lac asséché, beau certes, mais à sec. Je la mis
au frais pour le reste de la journée. Deux heures avant sa dégustation,
je confectionnai avec regrets la meringue (avec 4 blancs d'oeuf et un
peu moins de sucre qu'indiqué), et mis la tarte sous le grill. Quelques
secondes suffirent pour qu'elle atteigne une magnifique couleur, dorée
par endroits, brune ailleurs, blanche aussi... Je me surpris à la
trouver magnifique, avant de me ressaisir. Il ne s'agissait après tout
que d'un cache-misère, ne l'oublions pas ! Je laissai la tarte à
température ambiante jusqu'au moment de la dégustation.
Je la
coupai en 8 avec délicatesse, et mes convives la regardèrent avec envie
avant de la goûter. Elle était parfaite. Tout simplement divine. A ce
moment précis, j'aurais pu me prosterner devant l'auteur de cette
recette, de 'The' tarte au citron. J'ai même mangé la meringue... Il
faut dire j'étais en présence de mes invités, et que si je la laissais
de côté ils risquaient de se demander pourquoi... Et finalement, je lui
ai trouvé une présence assez remarquable, qui contrebalançait
délicieusement le craquant de la pâte sablée et l'acidité de la crème.
Nous
étions 7, il en restait donc une part qui fut destinée à mon
petit-déjeuner du lendemain. J'étais partagée entre l'envie de racler
la meringue pour l'ignorer dans un coin de mon assiette, et celle de
lui donner une seconde chance, motivée par mon expérience de la veille.
Je décidai de couper la poire en deux : une moitié de part meringuée,
l'autre nue. En irréductible amatrice de l'acidité, c'est tout de même
la dernière version que j'ai préférée.
Et
vous, comment l'aimez-vous ? A la folie, passionnément, pas du tout ?
Meringue ou pas meringue ? Acide ou sucrée ? Dites-moi tout !